Avortement: "Je n'ai jamais eu le sentiment d'avoir commis un crime!"
Par Levi FERNANDES
"Je ne comprends pas que des femmes ayant avorté soient poursuivies. A aucun moment, je n'ai eu le sentiment d'avoir commis un crime!", confie Claudia, une portugaise de 33 ans, ayant avorté à l'âge de 17, à la sixième semaine de grossesse.
"Après l'avortement, je n'ai pas eu peur d'être arrêtée. J'ai eu peur du rejet social", déclare-t-elle. 16 ans après, Claudia, aujourd'hui juriste travaillant au sein d'une association d'aide sociale aux plus démunis, demande encore à ce que son identité ne soit pas révélée.
Car aujourd'hui la pression sociale est la même et les conditions de l'interruption volontaire de grossesse n'ont pas changées.
La loi portugaise, l'une des plus répressives d'Europe, prévoit des peines de prison pouvant aller jusqu'à trois ans pour les femmes reconnues coupables d'avoir avorté clandestinement.
C'est injuste, estime Claudia. Et c'est ce sentiment d'injustice qui l'a motivé à militer pour le "oui" à la dépénalisation de l'avortement lors du référendum de dimanche, qui permettrait d'interrompre une grossesse sur simple demande de la femme.
Une relation amoureuse instable, un accident de contraception et la vie de cette lisboète, jeune étudiante en terminale, bascule, en 1991, pendant les fêtes de fin d'année.
"Je me suis très vite aperçue que j'étais enceinte", raconte cette jeune femme aux cheveux bruns mi-longs.
"Mon copain de l'époque a fait exprès de faire craquer le préservatif. Il pensait que si je tombais enceinte je serai obligée de rester avec lui et le suivre", a-t-elle indiqué. "C'était une personne complètement immature. Je ne me voyais pas avoir un enfant avec lui".
Contrairement à la grande majorité des femmes, Claudia a trouvé autour d'elle une famille soudée, qui n'a pas hésité à la soutenir dans sa décision d'interrompre sa grossesse. Sa mère et sa grand-mère avaient elles-même avorté dans la clandestinité.
"Ma mère a été la première personne à qui j'ai tout raconté", confie-t-elle. "Elle m'a alors emmené voir notre médecin de famille, qui m'a prescrit des examens, au nom de ma mère par souci de discrétion".
Après s'être assuré de sa volonté d'avorter, le médecin envoie Claudia chez une infirmière pratiquant clandestinement des interruptions de grossesse dans un appartement d'un immeuble sombre, dans la banlieue sud de la capitale portugaise.
"Ma mère, ma tante et ma grand-mère m'ont accompagné. Nous étions quatre dans la salle d'attente afin que personne ne sache qui allait avorter. Nous sommes entrées ensemble dans le cabinet", où les femmes se suivaient, explique-t-elle.
Deux brancards séparés par un paravent. Un seau à même le sol. D'un côté, une femme ayant avorté, se rétablit après l'intervention. De l'autre, l'infirmière, aidée de deux autres femmes, pratique une nouvelle interruption de grossesse.
"Nous avons payé 30.000 escudos (environ 150 euros), mais le prix pouvait atteindre les 60.000 (300 euros)", précise Claudia.
"A la sortie, j'ai attendu un peu, assise dans la voiture. J'ai le souvenir d'avoir vu d'autres femmes, ayant avorté après moi, encore un peu étourdies par l'anesthésie à l'éther, ressortir de l'immeuble et prendre le bus seules pour rentrer. Cette image m'a marqué", dit-elle.
Dans le cadre de son activité professionnelle, Claudia côtoie tous les jours la réalité de l'avortement dans les milieux les plus défavorisés.
"Je rencontre tous les jours des femmes ayant avorté dans des conditions épouvantables: en prenant des médicaments, des infusions ou encore avec des aiguilles à tricoter", souligne Claudia.
"Il faut absolument en finir avec cette situation! Un enfant a aussi le droit d'être désiré", conclue-t-elle.
Source: AFP -- 07/02/2007
IVG: un oui au référendum ne changerait pas le comportement des médecins
Par Lévi FERNANDES
Si le oui l'emporte lors du prochain référendum sur l'avortement, au Portugal, il est peu probable qu'il y ait davantage d'interruptions volontaires de grossesse dans les hôpitaux publics en raison de la réticence de la plupart des médecins à appliquer la loi actuelle, a estimé le docteur Miguel de Oliveira Silva, spécialiste de la question.
"Les médecins ont fait jusqu'ici une lecture très restrictive de la loi", a fait valoir le Docteur Miguel de Oliveira Silva, gynécologue-obstréticien, auteur du livre "sept thèses sur l'avortement", dans des déclarations à l'AFP.
La loi actuelle autorise l'avortement dans trois situations: en cas de danger pour la vie de la mère, en cas de malformation congénitale du foetus, puis dans certains délais, de risques pour sa santé physique ou psychique.
La législation portugaise sur l'IVG est semblable à celle qui existe en Espagne avec pourtant des résultats différents, a affirmé ce spécialiste. Ces différences s'expliquent par l'interprétaion qui est faite de la loi, et un changement de la législation ne changerait rien au comportement des médecins à l'égard de l'IVG.
"La loi actuelle stipule qu'un psychologue doit établir qu'il y a un risque pour la santé mentale de la mère, pour que l'IVG soit autorisé", a noté le docteur portugais.
"Dans la plupart des cas, les médecins estiment que les conditions économiques et sociales ne permettent pas de remettre en cause la santé mentale de la femme", contrairement à ce qui se passe en Espagne, a-t-il ajouté.
Les médecins portugais disposent par ailleurs d'un code déontologique qui interdit la pratique de l'avortement, une règle qu'il ne sera pas aisé de faire changer, selon le docteur.
"Un débat a lieu actuellement pour savoir si ce point doit être ou non supprimé. Le responsable actuel de l'Ordre des médecins est contre. Or aucune loi, ne peut faire changer ce code des médecins. Pas même un référendum", a-t-il précisé.
"Il y a des hôpitaux où tous les gynécologue-obstréticiens se disent objecteurs de conscience. (...) Par exemple un médecin peut être favorable, mais si son chef de service est contre, il ne pratiquera pas l'interruption de grossesse", a-t-il ajouté.
Le gouvernement portugais qui a pris conscience de la difficulté à faire changer la mentalité des professionnels de santé a évoqué à plusieurs reprises la possibilité de prendre des mesures pour faire appliquer la loi actuelle dans les hôpitaux ou de "privatiser l'avortement".
En cas de privatisation de l'avortement, "l'IVG serait pratiquée, dans un cadre légal, par des cliniques privées, mais pas par le Service national de santé (SNS), qui maintiendrait seulement la pratique de l'avortement dans un cadre thérapeutique", a expliqué M. de Oliveira Silva.
Les Portugais vont être appelés à répondre, le 11 février prochain, à la question suivante: "Etes-vous d'accord pour que l'avortement réalisé dans les dix premières semaines de grossesse, avec le consentement de la femme, dans un établissement de santé légal, cesse d'être un crime?". En 1998, ils avaient dit non à une très courte majorité (50,07%).
Une femme reconnu coupable d'avoir avorté encourt jusqu'à 3 ans de prison, tandis que celui qui pratique un avortement risque de deux à huit ans.
"Il faut arrêter de dire que des femmes ne vont plus en prison. Il y a six mois encore, à Aveiro (nord), une femme a été condamné à faire de la prison. Elle n'y est pas encore allée, car elle a fait appel", a observé M. Oliveira Silva.
D'après le nouveau projet de loi, "l'IVG sera toujours puni après les dix semaines, rappelle ce médecin. Disons juste que le projet actuel est un genre de libéralisation de la loi" pendant les deux premiers mois et demi de grossesse"..
Près d'un millier d'avortements sont pratiqués légalement, par an, dans un pays qui compte cinq millions de femmes tandis que les avortements illégaux sont estimés à plus de 20.000.
Source: 10/01/2007/
Portugal/Avortement: "N'oublie pas d'aller voter!"
Par Levi FERNANDES
"N'oublie pas d'aller voter!", lance Manuela à une amie au téléphone en sortant du bureau de vote d'Almada, une agglomération de la banlieue sud de Lisbonne, en compagnie de sa fille et de son petit-fils. "Pour le non, bien sûr", précise-t-elle avant de raccrocher.
A 11H00 GMT Manuela a été l'une des rares à se rendre aux urnes pour participer au référendum sur la dépénalisation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) au Portugal.
"Alors ça y est, tu as accompli ton devoir civique", lance un votant à son voisin qu'il croise à la sortie d'un collège d'Almada, l'un des lieux de vote de cette commune, ouvert depuis 08H00 (même heure GMT).
Dans cette banlieue traditionnellement ancrée à gauche et largement favorable à un changement de la loi, selon les sondages, les électeurs sont très peu nombreux à s'être déplacés dimanche matin, sans doute dissuadés par le mauvais temps.
En 1998 lors d'un précédent référendum sur la question, ses habitants avait voté en faveur du "oui" qui avait été alors battu sur le plan national.
A Prazeres, au centre de Lisbonne, un quartier plutôt aisé, l'affluence était plus importante en début d'après-midi à l'école primaire Manuel da Maia.
"J'ai voté oui", proclame Rita Ucha, une jeune femme d'une trentaine d'années enceinte, en compagnie d'une amie.
"Condamner les femmes à trois ans de prison, c'est absurde", affirme-t-elle, en référence à l'actuelle peine encourue par les femmes qui avortent illégalement. "Je n'avais pas voté en 1998 (lors du précédent référendum). Alors là j'ai tenu à le faire".
Manuel, un retraité n'avait pas voté non plus lors de la dernière consultation. "Cette fois je suis venu, parce qu'on en a beaucoup parlé", dit-il.
"Je n'ai pas eu besoin de la campagne pour me faire une opinion. Nous avions une loi qui était très bien. Il aurait juste fallu ne pas envoyer les femmes en prison", estime-t-il.
A la sortie des bureaux de vote, les participants sont interpellés par les sondeurs et invités à glisser une nouvelle fois un bulletin, - fictif, celui-là - dans une urne. Cela devrait permettre d'élaborer des estimations qui devraient être annoncées à 20H00.
"OUI", écrit une femme d'une soixantaine d'années en lettres majuscules sur un bout de papier avant de le remettre dans l'urne. "J'ai voté oui, bien sûr", insiste-t-elle à la ronde.
Après le vote, à Almada, beaucoup se dirigent vers le café pour prendre leur petit déjeuner avec les voisins ou amis croisés un peu plus tôt. D'autres vont faire leur marché, qui se tient un peu plus haut dans l'avenue, ou encore assister à la messe.
Au comptoir et autour des tables du café, la question de l'avortement ne domine pas dans le brouhaha des conversations. C'est plutôt l'élimination du mythique Benfica la veille en Coupe de football du Portugal devant le petit club de deuxième division de Varzim qui est sur toutes les lèvres.
Des quelque 8,7 millions d'électeurs appelés aux urnes, seul 11,57% s'étaient déplacés à 12H00 locales (même heure GMT) et les responsables politiques multipliaient les appels à la participation.
Source: AFP --10/02/2007
Avortement pour les Portugaises: direction l'Espagne
Par Lévi FERNANDES
Par Lévi FERNANDES
"Interruption volontaire de grossesse - Badajoz (Espagne)", suivent des numéros de téléphone. L'annonce sur fond jaune ou orange parait tous les jours dans des quotidiens portugais à l'adresse des femmes qui, fuyant les lois particulièrement restrictives de leur pays, souhaitent avorter sans risquer la prison.
Elles sont ainsi 4.000 tous les ans à s'adresser à la clinique Los Arcos de Badajoz, ville frontalière à l'est du Portugal, indique sa directrice, Yolanda Hernandez, dans un entretien avec des journalistes étrangers à Lisbonne, alors que les Portugais seront bientôt appelles à se prononcer pour ou contre la dépénalisation de l'avortement.
Cheveux grisonnants, la cinquantaine bien tassée, Mme Hernandez explique que l'annonce est publiée tous les jours dans Publico et Correio da Manha, deux des quotidiens nationaux à plus fort tirage.
"Publico ne nous autorise pas à parler d'IVG, si bien que nous avons rédigé notre annonce en parlant de traitement volontaire de grossesse", indique-t-elle en réponse à ceux qui jugent cette formulation "ambiguë".
L'IVG n'est actuellement autorisée au Portugal qu'en cas de danger pour la vie de la mère, de malformation congénitale du foetus et de viol, ou, dans certains délais, de risques pour la santé physique ou psychique, qui doivent être officiellement confirmés par un médecin.
Quelques centaines d'avortements sont pratiqués légalement dans un pays qui compte cinq millions de femmes tandis que les avortements illégaux seraient au nombre de 20.000 à 40.000 selon les estimations.
En juillet dernier, un médecin, son assistante et trois femmes, poursuivis dans une affaire d'avortement, ont été condamnés à des peines allant jusqu'à quatre ans et huit mois de prison.
Profitant de la proximité géographique les établissements proche de la frontière en Espagne ont fait de la pratique de l'avortement chez les femmes portugaises leur fond de commerce.
"Les femmes portugaises représentent environ 60% du nombre total de patients", indique Mme Hernandez. "Elles sont âgées de 19 à 31 ans" et leur "nombre est en constante augmentation depuis environ six ans", explique-t-elle.
"La plupart du temps, ces femmes, qui viennent de toutes les régions du Portugal, y compris des îles (Madère et Açores), nous sont envoyées par des gynécologue-obstétriciens portugais", précise-t-elle.
"D'après l'étude que j'ai réalisé, près de 8% des femmes que nous accueillons sont célibataires, 35% sont mariées, 68% ont des ressources économiques propres, 62% n'utilisent pas de moyens contraceptifs régulièrement", indique-t-elle encore.
Dans sa clinique, l'avortement coûte entre 375 et 500 euros. L'intervention, qui comprend examens, analyses et un suivi médical, dure environ trois heures. Les femmes sortent le jour même.
Celles qui manquent de moyens nécessaires ont recours à l'avortement clandestin dans leur propre pays qui, selon l'Union des femmes Alternative et réponse (UMAR), qui milite pour la dépénalisation, est la deuxième cause de mortalité chez les femmes portugaises.
La direction de Los Arcos suit attentivement l'évolution de la législation au Portugal et espère qu'un assouplissement de la loi lui permettra d'ouvrir dans les prochains mois une clinique spécialisée dans les IVG, à Lisbonne.
Source: AFP -- 20/10/2006
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