L'amour du cinéma, ultime recours
des réalisateurs portugais
Par Lévi FERNANDES
"Il ne nous reste plus que l'amour du cinéma pour tourner" : ce cri
du coeur du réalisateur Joaquim Sapinho témoigne de la situation dramatique du
cinéma d'auteur au Portugal, confronté à l'une des pires crises économiques de
son histoire.
"La cinéma portugais a toujours
vécu avec peu de moyens. Mais nous parvenions toujours à combiner quelques
aides publiques avec notre amour du cinéma", explique le réalisateur qui
aimerait voir sortir en salle son dernier film "Deste lado da
Ressureiçao" (De ce côté-ci de la Résurrection).
"Nous n'avons pas, pour
l'instant, les moyens de financer les copies", ajoute de son côté son
producteur Pedro Duarte de la société Rosa Films.
Le cinéma portugais d'avant-garde
est né dans les années 60, en pleine dictature salazariste, au sein d'une élite
intellectuelle. Censuré par le pouvoir, il n'en a pas moins réussi à acquérir
une renommée internationale.
Après la Révolution des Oeillets de
1974 qui instaure la démocratie, le septième art, soutenu par des fonds
publics, connaît un nouveau souffle avec des cinéastes comme Pedro Costa, César
Monteiro, Paulo Rocha ou encore Manoel de Oliveira qui, à 103 ans, continue de tourner.
Portés aujourd'hui par une nouvelle
génération, les films lusitaniens se distinguent par une liberté de ton et une
esthétique particulière.
La situation du cinéma, qui attire
davantage de spectateurs à l'étranger qu'au Portugal, est devenue dramatique
l'année dernière, lorsque le pays a été placé sous perfusion internationale en
échange d'un programme drastique d'austérité.
Tous les ministères ont subi des
coupes budgétaires sévères et celui de la Culture, relégué au rang de
secrétariat d'Etat, n'a pas échappé à la règle. Le budget de la Direction
générale des arts, chargé de soutenir les arts du spectacle, a été réduit de
38%, tandis que la TVA sur les billets de cinéma est passée de 6 à 13%.
"Notre cinéma est dans une
situation d'asphyxie", lance le réalisateur Joao Pedro Rodrigues joint au
téléphone par l'AFP au festival de Locarno en Suisse, où il présente son film
"La dernière fois où j'ai vu Macao".
"Je n'ai aucun soutien de mon
pays que je représente à ce festival", observe le réalisateur de
"Mourir comme un homme" et "O Fantasma".
La situation est identique pour la
majorité des cinéastes portugais qui se sont distingués pourtant ces dernières
années dans plusieurs festivals, à l'instar de Miguel Gomes et Joao Salaviza
primés en février à la Berlinale.
Depuis le début de l'année, les
subventions de l'Institut du cinéma et de l'audiovisuel (ICA) se sont
brusquement arrêtées en raison de la crise. De nombreux projets attendent
toujours de recevoir les aides promises. D'autres sont tout simplement
suspendus.
Le gouvernement de centre-droit a
proposé une loi, approuvée en juillet, destinée à renflouer les caisses de
l'ICA qui seront financées non seulement par la publicité à la télévision comme
auparavant, mais également par de nouvelles taxes provenant d'autres opérateurs
de contenus audiovisuels.
D'après le gouvernement, ces mesures
permettront de multiplier par trois les fonds de cet organisme, à hauteur de 27
millions d'euros par an.
Alors que cette nouvelle loi est fortement
contestée par les opérateurs qui refusent de nouvelles taxes, de nombreux
réalisateurs craignent qu'elle soit retardée.
"Les premiers financements
pourraient n'arriver qu'en 2014. Que se passera-t-il avec les productions de
cette année et de 2013?", s'interroge Joaquim Sapinho.
"Monteurs, techniciens,... pour
survivre des tas de gens vont devoir changer de métier ou émigrer",
s'inquiète Pedro Duarte.
"Aujourd'hui, nous sommes
contraints d'emprunter, de recourir à des amis ou à des coproductions pour
terminer les projets en cours", confie M. Sapinho.
"Malgré tout le cinéma
portugais ne s'arrête pas, conclut toutefois optimiste Joao Pedro Rodrigues. Je
suis réalisateur. Je continuerai de faire des films".
lf/bir
Source: AFP -- 17/08/2013
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