Drogue: le Portugal réfléchit aux salles d'injection dans les prisons
Par Lévi FERNANDES
Le Portugal réfléchit à l'ouverture de salles d'injection assistée dans les prisons pour les toxicomanes, à l'image de l'Espagne et de la Suisse, afin de lutter contre la propagation des maladies infectieuses en milieu carcéral.
Le médiateur de justice Henrique Nascimento Rodrigues a récemment proposé la création de "salles de shoot", après la publication d'un rapport montrant que la consommation de drogues et la contamination par le virus du sida dans les prisons portugaises ont pris des proportions alarmantes.
Selon cette étude, environ 46% des détenus interrogés dans les établissements carcéraux portugais disent consommer de la drogue.
Les pratiques à risque des toxicomanes, qui se piquent avec des aiguilles et des seringues non stérilisées et qui partagent souvent ce matériel, sont directement épinglées.
En effet 26,8% des détenus qui se droguent reconnaissent l'avoir fait par voie intraveineuse et plus de 77% indiquent qu'ils ont l'habitude de partager les seringues.
L'autre aspect inquiétant concerne le nombre de détenus contaminés par le virus du sida. Les prisons portugaises comptent quelque 14% de séropositifs, soit 1.139 personnes, tandis que 30% des détenus souffrent d'hépatites B et C. Le nombre de malades du sida s'élevait à 396 en 2002 contre 379 en 1998.
L'étude critique notamment "la quasi inexistence de politiques de réduction des risques" de propagation de maladies infectieuses en milieu carcéral.
Le médiateur de justice estime ainsi qu'il faut mettre en place dans les prisons des structures d'accompagnement médical et psychologique pour les toxicomanes.
Il préconise de suivre un modèle qui a fait ses preuves en Suisse, où des salles d'injection assistée fournissent aux toxicomanes détenus des seringues et des aiguilles de substitution en échange du matériel usagé, depuis le milieu des années 80.
D'autres personnalités se disent également favorables à une réflexion sur les salles d'injectionn, notamment le bâtonnier de l'Ordre des avocats José Miguel Judice et le président de la Commission pour la réforme du système carcéral, Diogo Freitas do Amaral, nommé par le gouvernement.
Mais la ministre de la Justice Celeste Carmona Rodrigues est hostile aux "salles de shoot" et préfère miser sur la prévention
"Ne comptez pas sur moi pour soutenir des solutions, dites de réduction de risques (de propagation de maladies infectieuses), qui ne le seraient pas dans le contexte actuel du système carcéral portugais", a-t-elle déclaré la semaine dernière.
Mme Carmona Rodrigues défend l'application de programmes visant à réduire la dépendance à la drogue, et notamment de traitements de substitution à base de méthadone. Il faut selon elle "donner une alternative à la consommation de drogue, donner une chance aux détenus".
Quant au président de l'Institut de la drogue et de la toxicomanie Fernando Negrao, il estime qu'il ne faut pas fermer la porte à cette solution. Mais il prône d'abord une réforme en profondeur du système carcéral engorgé par la surpopulation.
Début 2003, le Portugal comptait plus de 14.000 détenus contre 13.168 l'année dernière, sur une population de 10,3 millions d'habitants. Le Portugal est le pays de l'UE avec le plus grand nombre de détenus par habitant.
Source: AFP - 16/12/2003
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire